L’ampleur des violations des droits humains est sans précédent dans l’histoire moderne d’Haïti, a alerté mardi le chef des droits de l’homme de l’ONU, soulignant qu’une génération entière risque d’être victime de traumatismes, de violences et de privations dans ce pays insulaire des Caraïbes.
Alors que Haïti est en proie à un chaos total qui a commencé par des troubles civils au début de l’année, la situation, qui était déjà alarmante, s’est rapidement détériorée au cours des dernières semaines.
Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme,
l’escalade de la violence a eu des conséquences dévastatrices sur la population.
Rien qu’entre le 1er janvier et le 20 mars, 1.434 personnes sont décédées et 797 autres ont été blessées dans les violences liées aux gangs à travers le pays.
« Il s’agit de la période la plus violente depuis la mise en place, il y a deux ans, du mécanisme de surveillance des victimes de meurtres, blessures et kidnappings liées à la violences des gangs, par notre présence en Haïti », a déclaré devant le Conseil des droits de l’homme, Volker Türk, à Genève.
Hausse « choquante » des meurtres et des enlèvements
Il y a eu une « augmentation choquante » des meurtres et des enlèvements. La violence sexuelle, en particulier à l’encontre des femmes et des jeunes filles, est omniprésente et a très probablement atteint des niveaux jamais vus auparavant.
La situation n’en finit plus de se dégrader à Port-au-Prince depuis la démission du Premier ministre contesté Ariel Henry. La capitale de l’île que l’on appelait il y a bien longtemps la perle des Antilles est proie à une violente guerre de gangs qui contrôlent une large partie du territoire face à une police impuissante.
Depuis la fin du mois de février, des bandes criminelles ont ainsi lancé des attaques incessantes et coordonnées contre des postes de police, des prisons, des infrastructures essentielles et d’autres installations publiques et privées, dans le but affirmé de renverser les autorités en place.
Ces violences se sont traduites par une hausse du nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays - plus de 360.000 aujourd’hui, selon l’Agence de l’ONU pour les migrations (OIM). Elles se sont accompagnées d’un risque accru de violence sexuelle.
Alors que les institutions s’effondrent, le gouvernement de transition n’est pas encore en place. Or selon le chef des droits de l’homme de l’ONU, le peuple haïtien attend avec impatience l’issue des pourparlers visant à mettre en place ces dispositions transitoires, qui ouvriraient éventuellement la voie à des élections.
Reconstruire d’urgence la stabilité et la sécurité
Dans cette quête de normalité, le déploiement de la mission multinationale de soutien à la sécurité mandatée par le Conseil de sécurité est également urgent. « La population haïtienne ne peut plus attendre », a dit M. Türk, ajoutant qu’il est temps de mettre fin à l’impasse politique, de reconstruire d’urgence la stabilité et la sécurité dans le pays, et de donner aux Haïtiens l’espoir dont ils ont si désespérément besoin.
Pour sa part, la communauté internationale doit prendre des mesures plus strictes pour empêcher la fourniture, la vente, le détournement ou le transfert illicites vers Haïti d’armes légères, d’armes de petit calibre et de munitions.
« Cela nécessite une coopération étroite avec la mission multinationale de soutien à la sécurité dont le déploiement, je l’espère, sera imminent », a conclu le chef des droits de l’homme, appelant toutes les parties prenantes nationales à placer fermement l’intérêt national au centre de leurs discussions actuelles afin qu’un accord puisse être conclu, sans plus tarder, sur le gouvernement de transition.
Une prison à ciel ouvert
De son côté, l'Expert des Nations Unies sur les droits humains en Haïti, William O'Neill, a souligné devant le Conseil des droits de l'homme que « le défi numéro un à l'heure actuelle en Haïti est l'insécurité, la violence des gangs. Tout le reste découle de cette réalité ».
Il a noté que cela concerne surtout la capitale Port-au-Prince et ses environs, qui sont le coeur économique, politique, universitaire, sanitaire du pays. Selon lui, « c'est une prison à ciel ouvert », alors que les habitants ne peuvent pas sortir de chez eux car ils craignent pour leur vie.
« Et pourtant les armes et les balles entrent toujours », a-t-il ajouté. « Il incombe à tous les pays du monde d'arrêter ce flux, parce que sans les armes, sans les balles, les gangs haïtiens perdent tout leur pouvoir ».
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