« Le président a été assassiné chez lui par des étrangers qui parlaient l’anglais et l’espagnol. Ils ont attaqué la résidence du président de la République », a-t-il déclaré mercredi dans un communiqué, assurant que « la situation sécuritaire est sous contrôle ».
Selon l’ambassadeur haïtien aux Etats-Unis, Bocchit Edmond, le commando était composé de mercenaires « professionnels » s’étant fait passer pour des responsables de l’agence américaine antidrogue. La police a rapporté, mercredi soir, avoir poursuivi les membres présumés du commando aussitôt après l’attaque, et que les forces de l’ordre continuaient de mener dans la soirée une opération dans les hauteurs de la capitale, Port-au-Prince. Quatre « mercenaires » impliqués dans l’assassinat ont été tués et deux autres ont été arrêtés, a précisé le directeur général de la police nationale d’Haïti, Léon Charles, ajoutant : « Trois policiers qui avaient été pris en otage ont été récupérés. »
L’épouse du président, Martine Moïse, blessée dans l’attentat – qui a eu lieu vers 1 heure, heure locale (7 heures, heure française) –, a été évacuée par avion vers Miami mercredi et prise en charge à l’hôpital Jackson Memorial, ont rapporté plusieurs médias américains. « La première dame est hors de danger, elle est soignée en Floride, et selon les informations que nous avons, sa situation est stable », a affirmé mercredi soir Claude Joseph à la télévision.
Des pouvoirs renforcés pour l’exécutif
Le premier ministre a appelé la population au calme et ajouté que la police et l’armée allaient assurer le maintien de l’ordre. Les rues de la capitale étaient calmes mercredi matin, sans présence renforcée de la police ou des forces de sécurité, selon des témoins. Après l’annonce de l’assassinat, toutes les activités, les commerces et les transports en commun ont été paralysés à Port-au-Prince et dans les villes de province.
Le premier ministre haïtien a déclaré mercredi l’« état de siège », octroyant des pouvoirs renforcés à l’exécutif, quelques heures après l’assassinat de Jovenel Moïse. « Dans la stricte application de l’article 149 de la Constitution, je viens de présider un conseil des ministres extraordinaire et nous avons décidé de déclarer l’état de siège sur tout le pays », a-t-il déclaré. Il a promis que « les auteurs, les assassins de Jovenel Moïse paieraient pour ce qu’ils ont fait devant la justice ».
Venu du monde des affaires, Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu président en 2016 et pris ses fonctions le 7 février 2017. Lundi, il avait nommé un nouveau premier ministre, Ariel Henry, un médecin chirurgien de 71 ans. Ce dernier, qui n’a pas encore pris ses fonctions, a assuré mardi que la priorité du gouvernement resterait la préparation des élections, qui devront se dérouler dans un « environnement propice », une éventualité qui semble lointaine, vu l’instabilité actuelle dans le pays.
La République dominicaine ferme sa frontière
Quelques heures après l’annonce de l’assassinat du président, la République dominicaine a ordonné la « fermeture immédiate » de sa frontière avec Haïti, sur l’île d’Hispaniola. Dans un communiqué, le président Joe Biden a déclaré : « Nous sommes choqués et attristés d’apprendre l’horrible assassinat du président Jovenel Moïse et l’attaque contre la première dame d’Haïti, Martine Moïse. Nous condamnons cet acte odieux, et j’adresse mes vœux les plus sincères de rétablissement à la première dame Moïse. » Il a ajouté que les Etats-Unis étaient prêts à apporter leur aide.
La France a dénoncé le « lâche assassinat » du président haïtien, demandant par la voix de son ministre des affaires étrangères que « toute la lumière » soit faite sur un événement dont les détails restent encore inconnus. « Je condamne fermement ce lâche assassinat », a déclaré Jean-Yves Le Drian, faisant état de sa « stupeur » dans un communiqué. « Toute la lumière devra être faite sur ce crime qui intervient dans un climat politique et sécuritaire très dégradé » à Haïti, a-t-il ajouté.
L’Union européenne s’est, de son côté, inquiétée d’une « spirale de violence » par la voix de son chef de la diplomatie, Josep Borrell. Sur Twitter, le premier ministre britannique, Boris Johnson, s’est dit « choqué et attristé par la mort du président Moïse ». « C’est un acte odieux et j’appelle au calme », a-t-il ajouté, présentant ses condoléances à la famille du président et à la population haïtienne. Le président colombien, Ivan Duque, a appelé l’Organisation des Etats américains à envoyer d’urgence une mission à Haïti pour « protéger l’ordre démocratique ». « C’est un acte lâche et barbare contre l’ensemble du peuple haïtien », a-t-il déclaré.
Des soldats dans le quartier où Jovenel Moïse a été assassiné, le 7 juillet 2021, à son domicile, à Port-au-Prince. JOSEPH ODELYN / AP
La crainte d’un chaos généralisé
Une mission de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU a été déployée à Haïti en 2004, après le renversement du président Jean-Bertrand Aristide. Elle s’est retirée en 2019. Les quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont réclamé, mercredi soir, dans une déclaration adoptée à l’unanimité, que les auteurs de l’assassinat du président haïtien Jovenel Moïse « soient rapidement traduits en justice » pour ce « crime odieux ». Ils « condamnent dans les termes les plus forts » cet assassinat, précise leur déclaration initiée par les Etats-Unis. Le Conseil de sécurité appelle « toutes les parties à rester calmes, à faire preuve de retenue et à éviter tout acte qui pourrait contribuer à accroître l’instabilité », précise son texte, qui exprime aussi son « soutien indéfectible au dialogue ».
A l’initiative des Etats-Unis et du Mexique, le Conseil de sécurité doit tenir jeudi en milieu de journée une réunion d’urgence à huis clos sur la situation en Haïti.
Haïti, pays des Caraïbes et nation la plus pauvre du continent américain, est gangrené par l’insécurité, et notamment les enlèvements contre rançon menés par des gangs jouissant d’une quasi-impunité. Le président Jovenel Moïse, accusé d’inaction face à la crise, était confronté à une vive défiance d’une bonne partie de la population civile.
Dans ce contexte faisant redouter un basculement vers le chaos généralisé, le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et l’Europe considèrent que la tenue d’élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d’ici à la fin 2021, est prioritaire. Le département d’Etat américain a ainsi appelé, lors d’un point presse tenu mercredi, à maintenir les élections législatives et présidentielle, avec un second tour le 21 novembre. Un scrutin libre « favoriserait le transfert pacifique du pouvoir à un président nouvellement élu », a notamment souligné le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price.
Un pays gangrené par l’insécurité
Ariel Henry, septième premier ministre de Jovenel Moïse en quatre ans, est proche de l’opposition politique. Cependant, la plupart des partis de l’opposition rejetaient sa nomination et continuaient d’exiger le départ du président. M. Moïse lui avait fixé pour objectif de « former un gouvernement d’ouverture », de « résoudre le problème criant de l’insécurité » et d’œuvrer à « la réalisation des élections générales et du référendum ».
Ce référendum constitutionnel, d’abord prévu le 27 juin et reporté au 26septembre, était voulu par le président mais largement contesté par l’opposition et jusque dans le camp présidentiel, car la procédure est accusée de ne pas respecter les dispositions de l’actuelle Constitution. Le texte de cette réforme constitutionnelle visant à renforcer l’exécutif est encore en cours de rédaction. Deux avant-projets déjà présentés proposaient de supprimer le Sénat et d’ouvrir la possibilité d’effectuer deux mandats présidentiels successifs.
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